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Page:Bouchard - Les Chasseurs de noix, 1922.djvu/211

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tance entre cette cabane et celle de son père, et il était facile de voir qu’ils venaient de cette dernière et se dirigeaient vers la première.

Nous avons dit que ce spectacle avait glacé le sang dans les veines d’Ohquouéouée : en effet, du premier coup d’œil, elle avait compris ce dont il s’agissait.

Quand le chef d’une de ces tribus sauvages mourait dans sa bourgade — ce qui n’arrivait pas souvent, car, la plupart du temps, ils se faisaient tuer à la guerre, loin de leur pays — il était d’usage qu’on le transportât, quelques instants avant sa mort, dans la cabane du conseil, pour qu’il y rendît le dernier soupir. Ohquouéouée avait compris, en voyant le cortège qui se dirigeait de la cabane de son père vers celle du conseil, que celui dont elle était séparée depuis bientôt un an, celui pour qui elle avait couru le risque de mourir de fatigue afin de venir le retrouver, que son père bien-aimé, le chef de la tribu, était arrivé au terme de sa carrière !

« Était-il donc vrai qu’elle arrivait trop tard ?… Que son père vénéré ne saurait pas que la fille qu’il avait tant regrettée lui était rendue ?… Que malgré toute la hâte qu’elle avait mise à parcourir la distance qui séparait le lieu de sa captivité de son village, elle arrivait trop tard pour faire oublier à son père les douleurs de la séparation et consoler ses derniers jours ? »

Puis une autre pensée traversa son esprit :

« Avait-elle bien fait toute la diligence possible pour venir retrouver les siens ?… Elle avait retardé