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Page:Bouchard - Les Chasseurs de noix, 1922.djvu/212

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son départ du Saint-François de presque deux jours, et cela afin d’être plus longtemps près du jeune guerrier blanc ! »

Mais, ces deux jours qu’elle avait passés à épier le jeune Canadien, elle ne pouvait les regretter ; car ils avaient été pour elle deux jours de bonheur ineffable !

Sans faire un mouvement, presque sans respirer, elle regardait passer le lugubre cortège. Elle le vit disparaître dans la cabane du conseil, et, toujours à la même place, comme si elle eut été rivée au sol, elle continua de regarder, avec des yeux qui ne semblaient pas voir, la foule silencieuse et triste qui s’était massée à l’entrée de la cabane où venaient de disparaître les jeunes chasseurs portant son père mourant.

Vaguement, comme dans un songe, Ohquouéouée remarqua, ou plutôt son cerveau reçut l’impression que pas un seul guerrier ne se mêlait à la foule, qui se composait uniquement de femmes, d’enfants et de jeunes gens : chasseurs trop jeunes pour aller à la guerre.

Peu à peu, la jeune fille reprit possession d’elle-même. Elle vit les jeunes chasseurs qui avaient porté leur chef dans la cabane du conseil en ressortir et se mêler à la foule qui se pressait à l’entrée. Alors elle se mit à marcher dans cette direction ; lentement d’abord, puis plus vite, et, quand elle eut atteint la foule compacte, ce fut presqu’en courant qu’elle en fendit les rangs et qu’elle pénétra à l’intérieur de la cabane où elle venait de voir disparaître son père.