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Page:Bouchard - Les Chasseurs de noix, 1922.djvu/215

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— Ohquouéouée !… Je savais bien que ton père ne mourrait pas sans t’avoir revue !…

La pesanteur de son bras entraîna sa main, qui retomba sur sa cuisse. Ses yeux se refermèrent et il reprit son immobilité de mort.

Ohquouéouée n’avait pas fait entendre un son, ni fait un mouvement.

Un temps assez long s’écoula. Graduellement, les rayons de lune s’étaient déplacés. Ils n’éclairaient plus, maintenant, qu’une partie du mourant, laissant le reste dans la pénombre, et ils tombaient d’aplomb sur la jeune fille, abîmée dans sa douleur.

Tout à coup celle-ci releva la tête. Son père venait de dire quelques paroles qu’elle n’avait pas comprises. Écartant ses cheveux et dégageant son visage, elle vit que le mourant s’était redressé. Ses yeux, grands ouverts, avaient perdu cet aspect terne et cette expression vague qu’ils avaient un moment plus tôt. Ils brillaient même d’un éclat extraordinaire.

Ohquouéouée reprit sa position inclinée. Elle laissa retomber sa tête, appuya son visage sur les genoux de son père et, s’emparant d’une des mains du vieillard, elle la posa sur sa tête, tout en la retenant dans les deux siennes. Puis, dans cette attitude, elle attendit qu’il parlât.

Son attente ne fut pas longue. Bientôt la voix du mourant, d’abord faible et tremblante, puis prenant de la force et se raffermissant à mesure qu’il parlait, troubla le silence de la cabane.

Voici ce que disait le chef mourant :

— Ohquouéouée !… Ma fille bien-aimée !… Je savais bien que les Esprits ne me laisseraient pas mou-