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Page:Bouchard - Les Chasseurs de noix, 1922.djvu/23

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Dans mon pays, le gibier des bois, le poisson des lacs et des rivières aussi bien que les fruits de l’herbe et des arbres sont abondants.

Mon père est le chef de la tribu. Il se nomme Cayendenongue. Il a tué un si grand nombre de guerriers d’autres nations que sa cabane est toute tapissée de chevelures enlevées à ses ennemis terrassés. Il a pris part à un si grand nombre de conseils, non seulement dans notre tribu, mais dans la nation tout entière et même à ceux où toutes les nations se réunissent, que son calumet est tout noirci et aux trois quarts calciné.

À la guerre comme dans les conseils, Cayendenongue est un grand chef !

Les esprits ont comblé mon père de toutes manières, excepté une : le Grand Esprit, Celui qui règle la vie et la mort, n’a accordé à mon père qu’un seul enfant. Je suis sa fille unique, et son plus grand regret a toujours été de n’avoir pas eu de fils.

Pour se consoler, il a toujours affecté de me considérer comme un garçon. Dès ma plus tendre enfance, et depuis, il m’a sans cesse encouragée à m’exercer au maniement de l’arc, de la lance, du dard et de l’aviron, aussi bien que de m’entraîner à la course et à la nage. Depuis que je suis capable de le suivre il n’a jamais manqué de m’emmener dans toutes ses expéditions de chasse, et même dans quelques expéditions de guerre. Il m’a souvent aussi fait admettre dans les conseils de la tribu ou de la nation.

Son but était de me faire reconnaître pour son successeur, puis de me donner comme épouse à un des plus vaillants guerriers de ma nation, qui aurait commandé en mon nom.