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Page:Bouchard - Les Chasseurs de noix, 1922.djvu/24

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De mon côté, je faisais tout en mon pouvoir pour lui être agréable, car je l’aime beaucoup et mes lèvres ne pourront sourire tant que je ne l’aurai pas revu. C’est pour lui plaire que j’ai appris à manier les armes dont seuls les guerriers se servent d’ordinaire. C’est aussi pour lui être agréable que je me suis entraînée à la course, à la nage et à toutes sortes de jeux.

Pendant l’avant-dernière saison des neiges, mon père subit une longue maladie qui lui fit perdre l’usage de ses jambes. Il dut, par la suite, renoncer à laisser le village, et même, très souvent, sa cabane,

À partir de ce moment, j’employai mon temps à lui rendre la vie plus douce. Dans ce but, je chassai ses gibiers préférés. Je promenai mon canot sur les lacs et les rivières, afin de lui rapporter les poissons qui plaisaient le plus à son goût. Je parcourus, l’été, les vallées afin de cueillir pour lui les fruits qui croissent dans l’herbe ; l’automne, les flancs des monts, afin de lui rapporter toutes sortes de noix.

Ce fut au cours d’une expédition de ce genre que mon malheur arriva.

Deux lunes avant la dernière saison des neiges, à l’époque où les arbres commencent à laisser tomber leurs feuilles, par une belle et claire journée de soleil, je m’étais éloignée du village pour chercher des noix au pied des montagnes. La température douce et radieuse dont mon pays jouit quelquefois à cette époque de l’année, m’avait fait m’avancer dans la forêt beaucoup plus loin que je n’aurais dû le faire. Je n’étais cependant pas inquiète, car, de toute la saison, nos guerriers n’avaient pas quitté nos territoires de chasse, et nous étions, ou nous nous croyions, en paix avec tout le pays.