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Page:Bouchard - Les Chasseurs de noix, 1922.djvu/25

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Je continuai de marcher encore pendant assez longtemps, jusqu’à ce que, ayant aperçu un énorme hêtre dont les branches étaient couvertes des délicieuses petites noix que ces arbres produisent, j’y grimpai, afin d’en faire une provision ; les gelées ne les avaient pas encore assez mûries pour qu’elles se détachassent et tombassent d’elles-mêmes.

J’en cueillis autant que j’en pus faire tenir dans un pan de ma tunique, dont je tenais un coin relevé, puis je descendis les déposer au pied de l’arbre et je remontai : je désirais en emporter autant que je le pourrais, car mon père trouvait ces petites noix exquises.

Je redescendais ainsi pour la troisième fois quand, arrivant sur la plus basse branche, j’aperçus, immobile au pied de l’arbre et me regardant descendre, un guerrier que je n’avais jamais vu. C’était un guerrier de ma race, et il me regardait descendre en souriant ; mais son sourire et son regard n’étaient pas francs et honnêtes comme le sont les tiens…

En laissant échapper ces derniers mots, comme si elle eut été surprise de ce qu’elle venait de dire, la jeune Indienne baissa subitement la tête et se tut.

— Continue, lui dit le jeune homme. Ton récit m’intéresse beaucoup… J’ai hâte de savoir comment ce sauvage t’a traitée, ajouta-t-il, en fronçant les sourcils.

— Je l’examinai quelques instants, reprit Ohquouéouée après un silence, et ne découvrant rien dans son apparence qui dénotât de mauvaises intentions de sa part, je me laissai glisser jusqu’à terre. En me redressant, je me trouvai face à face avec l’inconnu, qui se mit à m’examiner avec attention.