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Page:Bouchard - Les Chasseurs de noix, 1922.djvu/245

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éloignés que d’une dizaine de pas chacun. Quant à Roger, la brise qui soufflait de la rivière, bien que très faible, l’aidait à supporter cette chaleur en éloignant la flamme de lui de temps en temps. Mais pour Le Suisse, l’effet était contraire : à chaque fois que la brise éloignait la flamme de son compagnon, elle la rapprochait de lui et le rôtissait littéralement. Au premier coup de vent un peu plus fort que les autres, ses cheveux et sa barbe prirent feu et se consumèrent, lui laissant la tête et le visage dépouillés et noirs comme ceux d’un nègre. En plus de la douleur cuisante que lui causa la brûlure, il fut à demi suffoqué. Mais, dès qu’il pût prendre vent, Roger l’entendit crier à ses bourreaux :

— Tas de chiens de sauvages !… Je souhaite que le diable vous enfourche un par un et qu’il vous précipite tous au plus profond des enfers !

Les Iroquois, ne comprenant pas ce qu’il disait et croyant qu’il se plaignait, poussèrent des cris de joie et se mirent à gambader autour de lui. Après quelques tours, l’un d’eux : un grand diable dégingandé, au corps barbouillé de toutes sortes de couleurs, aux cheveux attachés en une seule touffe sur le sommet du crâne et dont les mèches éparpillées lui retombaient tout autour de la tête, se détacha de la bande dansante et hurlante et, se reculant de quelques pas, balança son tomahawk et le lança avec force. L’arme, après avoir tournoyé dans l’air en sifflant, vint enfoncer son taillant dans le tronc de l’arbre auquel Le Suisse était attaché et à deux pouces de sa tête.

Ce que voyant, tous les autres sauvages l’imitèrent. Et les tomahawks se mirent à voler dans l’espace, drus comme mouches. Dès qu’un sauvage avait lancé