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Page:Bouchard - Les Chasseurs de noix, 1922.djvu/247

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yeux s’injectèrent de sang. Les muscles de son cou saillirent comme d’énormes câbles, ses épaules craquèrent, et tout son corps se tordit dans l’effort surhumain qu’il faisait pour s’arracher à l’arbre qui le retenait prisonnier.

Soudain, au craquement de ses muscles, un autre craquement, plus sec, se joignit. C’était les liens attachant ses poignets qui se rompaient. Ces liens brisés, Le Suisse se trouva libre. Saisissant le tomahawk qu’un des bourreaux venait de lancer et qu’il n’avait pas eu le temps de venir arracher à l’arbre où il s’était enfoncé, il s’élança parmi les sauvages, frappant à droite et à gauche comme un forcené.

La souffrance lui avait probablement fait perdre la raison, et il était effrayant à voir : la tête et le visage noircis par le feu qui lui avait brûlé les cheveux et la barbe, un côté du visage et une épaule couverts de sang qui ruisselait encore, ses vêtements en feu en plusieurs endroits, il brandissait le tomahawk du sauvage comme l’aurait fait un véritable maniaque.

Une mêlée effroyable suivit la libération du prisonnier. Les coups que Le Suisse distribuait à droite, à gauche, en avant et même en arrière tombaient si drus, le tomahawk qu’il maniait exécutait un si terrible moulinet, que les sauvages culbutaient à mesure qu’ils s’approchaient pour s’emparer de leur prisonnier.

Il y en avait bien une dizaine d’étendus sur le sol, morts ou sérieusement blessés, quand le sauvage qui avait si maladroitement lancé son tomahawk tout à l’heure, celui-là même qui avait été le premier à jouer à ce « petit jeu, » comme l’avait appelé Le Suisse, s’approchant de celui-ci par derrière, lui rabat-