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Page:Bouchard - Les Chasseurs de noix, 1922.djvu/251

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était maintenant rendue chez lui à l’état de rêve. Mais jamais ce rêve ne s’était emparé de son imagination avec la force, l’acuité, la réalité qu’il prenait en ce moment.

Entre lui et la flamme languissante du brasier qui achevait de s’éteindre, le prisonnier croyait voir une jeune et svelte silhouette d’Indienne !… Il croyait même l’entendre parler !… Il sentait la douce chaleur de son front sur ses mains et il l’entendait, de son murmure doux et musical, lui dire qu’en reconnaissance du service qu’il lui avait rendu trois mois auparavant, elle allait essayer de le délivrer.

Tout à coup, — rêvait-il — il vit que les deux sauvages commis à sa garde étaient debout, dans une attitude de respect mêlé de surprise ; et, de l’autre côté du brasier, il crut apercevoir Ohquouéouée qui disparaissait dans les ténèbres.

Bien qu’il ne l’eût aperçue qu’un instant et de dos, il était impossible qu’il se fût trompé. C’étaient bien la démarche légère et silencieuse, la taille svelte, les épaules droites et le port de tête fier sans affectation de la jeune Indienne. C’était elle, telle que les arbres l’avaient cachée à sa vue quand elle l’avait quitté en revenant de la source, près de l’embouchure du Saint-François.

Le prisonnier tressaillit comme quelqu’un qui s’éveille en sursaut. Il voulut porter ses mains en avant, mais ne le put, car ses poignets étaient toujours attachés derrière l’arbre qui le soutenait en le retenant captif. Alors il tourna la tête de tous côtés en écarquillant les yeux ; mais il ne vit, dans le petit cercle de demi-lumière que projetaient encore les quelques tisons restants du brasier, que ses deux