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Page:Bouchard - Les Chasseurs de noix, 1922.djvu/255

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nir du jeune Canadien. Mais son père était mort et elle était seule au monde !… Quant à remplacer le vieux chef à la tête de la tribu et commander aux guerriers les plus braves de toute la nation iroquoise, elle n’y songea pas un seul instant ; y eut-elle songé qu’elle eût préféré cent fois devenir l’esclave du jeune guerrier blanc. Et puis, qui sait ?… Roger avait abandonné les siens et avait déjà passé tout un hiver chez les Algonquins !… Il consentirait peut-être à venir habiter avec elle chez les Iroquois ?… L’Indienne sentait que si cela arrivait, elle serait au comble du bonheur ; et elle était bien certaine que sa tribu ne pourrait jamais se trouver un chef comparable à celui que, dans ce cas, elle lui aurait choisi.

« Mais advienne que pourra !… Elle ne pouvait continuer à vivre séparée du jeune guerrier blanc !… Elle sentait son cœur se remplir d’un impérieux désir de le voir, de jouir de sa présence !… Il fallait absolument qu’elle le cherche, qu’elle le trouve !… »

Ohquouéouée réfléchit encore le reste de cette journée et, le soir venu, sa résolution fut prise. Elle attendit que tout le monde fut endormi dans le village, puis, sortant sans bruit de sa cabane, elle s’enfonça dans la forêt.

Elle marcha toute la nuit, puis tout le jour suivant et, la nuit venue, elle dormit sur le bord de l’Hudson.

Quand elle avait fait à Roger le récit de sa captivité chez les Algonquins, il y avait une chose qu’Ohquouéouée ne lui avait pas dite : un missionnaire avait passé l’hiver dans la bourgade où elle était retenue, et il lui avait enseigné un peu de français ; assez pour qu’elle ait compris presque tout ce que Le Suisse et Roger s’étaient dit en sa présence. Elle