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Page:Bouchard - Les Chasseurs de noix, 1922.djvu/258

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qu’elle aimait au point de ne pouvoir vivre séparée de lui, quand elle commença à se douter qu’elle faisait fausse route. Elle avait pourtant bien fait son possible pour toujours se diriger vers le soleil levant ; mais le pays était si montagneux, si entrecoupé de vallons et de ravins, si parsemé de lacs de toutes grandeurs, ce qui l’avait obligé de faire un si grand nombre de circuits et de détours, qu’elle commençait à ne pas être certaine de toujours avoir suivi la bonne direction.

D’autant moins certaine que, depuis une semaine environ, elle n’avait pas aperçu le soleil ; car il avait plu presque tous les jours et, même quand il ne pleuvait pas, le ciel était resté couvert de nuages. Pendant tous ces jours, il lui avait fallu se guider sur l’inclinaison des arbres, ou sur la couleur de leur écorce, en se rappelant que, presque toujours, les arbres ont leur tête inclinée du côté du soleil, c’est-à-dire vers le sud, et que leur tronc, du côté nord, a toujours l’écorce plus humide, plus couverte de mousse que du côté sud.

Mais c’étaient là des signes assez difficiles à observer avec précision et, bien que dans l’estimation de la jeune fille, elle eût dû, depuis plusieurs jours, avoir rencontré quelque rivière ou cours d’eau coulant vers le nord ou vers l’est, c’est-à-dire vers le Saint-François, tous les cours d’eau qu’elle avait rencontrés jusque là coulaient, soit vers l’ouest, soit vers le sud.

La raison qui avait fait faire fausse route à Ohquouéouée était la suivante :

Quand elle était arrivée au fond de la baie de Saint-Alban, alors qu’elle longeait la rive du lac Champlain, elle s’était cru rendue à l’extrémité nord du lac et, de là, elle avait piqué droit vers l’est.