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Page:Bouchard - Les Chasseurs de noix, 1922.djvu/275

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siècles ! Il n’y a que les politiciens qui n’ont pas changé ; la seule différence qu’il peut y avoir entre les politiciens iroquois du dix-septième siècle et les politiciens canadiens du vingtième, c’est que les premiers, quand ils voulaient acheter le support de quelque guerrier influent, le faisaient avec leurs biens personnels, tandis que placés dans des circonstances analogues, les politiciens canadiens se servent des biens de la nation.

Depuis qu’Ohquouéouée était partie de Sarastau, Oréouaré n’avait pas perdu une occasion, que ce fût au moyen de présents, de flatteries, de menaces ou autrement, de se faire des partisans parmi les guerriers de la tribu de la Tortue ; et il n’attendait plus, maintenant, que la mort du vieux chef pour se déclarer ouvertement et assumer les fonctions de chef de la tribu.

Dans ces conditions, c’était la crainte d’un de ces brusques revirements d’opinion dont nous avons parlé plus haut, revirements si fréquents et qui, s’il s’en était produit un à ce moment, lui aurait fait perdre le fruit de tout le mal qu’il s’était donné pour se faire des partisans, qui avait jusque-là empêché Oréouaré de s’opposer avec trop d’obstination à la route de la Connecticut. Mais, au moment où Ohquoueouée s’approchait du feu du conseil, et bien que la crainte de se faire des ennemis empêchât le chef de trop insister pour imposer sa volonté, la hâte qu’il avait d’être de retour à Sarastau lui faisait soutenir sa cause avec plus d’âpreté qu’il n’en avait montré au cours des discussions précédentes.

Il savait dans quel état de santé ils avaient, à l’été, laissé leur vieux chef. Il se disait que le vieillard pouvait succomber à ses infirmités d’un moment à