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Page:Bouchard - Les Chasseurs de noix, 1922.djvu/276

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l’autre ; et il tenait grandement à être présent au milieu de la tribu quand Cayendenongue mourrait, afin de pouvoir s’emparer de l’autorité suprême avant qu’un autre pût tenter de le faire.

Le chef terminait une longue harangue, dans laquelle il avait exposé les raisons qui, selon lui, pouvaient engager ses compagnons à prendre le chemin le plus court pour regagner le pays : telles que l’approche de l’hiver, le besoin que les femmes et les enfants de la tribu avaient que les guerriers reviennent au plus tôt car, seuls, ils étaient exposés, presque sans défense, aux attaques de leurs ennemis, le désir que chaque guerrier devait avoir de revoir les siens, et toutes les autres raisons que, dans son esprit, il croyait devoir influer sur la décision de ses compagnons quand, soudain, il aperçut Ohquouéouée qui sortait de l’ombre et se rapprochait lentement du feu.

Il s’arrêta court ; et il regarda la jeune fille s’avancer vers eux, comme s’il se fut agi d’un spectre.

Les autres guerriers, suivant la direction de son regard étonné, la virent aussi ; et tous, ils la suivirent des yeux jusqu’à ce qu’elle se fut arrêtée à deux pas du cercle qu’ils formaient autour du feu. Alors les guerriers s’écartèrent, lui faisant une place parmi eux, et elle s’assit, faisant face à Oréouaré et ayant le feu entre elle et le chef.

Oréouaré, recouvrant son sang-froid, reprit son maintien de chef de guerre, que l’arrivée inattendue d’Ohquouéouée lui avait fait perdre un instant et, se rasseyant avec la plus grande impassibilité, il ramena sur ses épaules la peau qui lui servait de manteau. Puis, prenant son calumet, il retira un tison du feu l’appliqua au petun et se mit à fumer en silence.