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Page:Bouchard - Les Chasseurs de noix, 1922.djvu/280

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minutes. Ce témoignage de respect donné à la mémoire de leur chef défunt, ils reprirent leur attitude d’attention et Ohquouéouée continua :

J’étais présente aux derniers moments de mon père. C’est à moi qu’il a fait ses dernières recommandations. Voici ce qu’il m’a dit : « Ohquouéouée ! Ma fille bien-aimée ! Je m’en vais ! Je pars pour aller retrouver les anciens guerriers de notre tribu, pour leur aider à faire la Grande Chasse !… Demain, je serai parti !… Il ne te restera que ma chair, qu’il te faudra exposer aux oiseaux de l’air, pour empêcher que les bêtes des bois ne rongent mes os. J’aurais voulu rester encore… rester jusqu’à ce que nos guerriers soient revenus, afin de te choisir, parmi eux, un époux digne de me remplacer à la tête de ces braves !… Mais je ne le puis, il me faut partir maintenant !… Je te laisse le soin de faire toi-même ce choix. Si tu as bien profité de mes conseils, celui que tu choisiras sera digne de toi, de moi et de toute la tribu de la Tortue… Quand nos guerriers reviendront, fais leur part de mes paroles… Que le Grand Esprit te protège !… » Voilà les dernières paroles que m’a dites Cayendenongue, avant de partir pour la Grande Chasse.

Quand nous eûmes, le lendemain, porté son corps dans la forêt où il a passé tant de jours de sa vie, toute employée à servir sa tribu, sa nation et sa race, je me mis à la recherche de celui que je désirais avoir pour maître, de celui que je souhaite voir devenir votre chef. Car, avant que mon père mourut, avant même qu’il eût parlé, mon choix était fait.

Ohquouéouée se recueillit quelques instants, puis reprit :