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Page:Bouchard - Les Chasseurs de noix, 1922.djvu/284

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dans le même sens : ils regrettaient tous la mort de leur vieux chef, ils approuvaient tous son désir de voir sa fille unique devenir l’épouse de son successeur ; mais ils abhorraient tous l’idée d’obéir à un chef qui ne fut pas de leur tribu ou, au moins, de race sauvage. Il n’y en eut qu’une couple qui pensèrent à féliciter Ohquouéouée de son retour et à lui souhaiter la bienvenue parmi eux.

Quand tous ceux qui désiraient exprimer leur opinion l’eurent fait, Oréouaré, qui, jusque-là, était demeuré silencieux, se leva. Pendant que les autres parlaient, lui, avait mûri son plan. Il avait remarqué le changement d’attitude des guerriers à l’égard d’Ohquouéouée quand celle-ci avait parlé de son amour pour le jeune guerrier blanc, qu’elle désirait leur donner pour chef. Il avait aussi remarqué que seulement deux orateurs, juste assez pour souligner l’oubli, volontaire ou non, des autres, avaient souhaité la bienvenue à la jeune fille.

Non pas qu’il attachât une bien grande signification à cet incident : il connaissait assez ses compagnons pour savoir qu’au premier geste qu’Ohquouéouée ferait pour montrer qu’elle cédait aux instances de ses guerriers, ils se jetteraient tous à ses pieds, quittes à lui tourner de nouveau le dos à la première occasion.

Mais la conduite des orateurs montrait au chef qu’il était temps pour lui d’agir, s’il voulait réussir dans ses projets. Alors, se rappelant les efforts inutiles qu’il avait déjà faits pour gagner l’amitié d’Ohquouéouée quand celle-ci habitait avec son père au village de Sarastau, le mépris avec lequel elle avait repoussé toutes ses avances, les projets de vengeance