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Page:Bouchard - Les Chasseurs de noix, 1922.djvu/285

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qu’il avait souvent formés contre elle et son père — il n’avait jamais éprouvé d’amour pour Ohquouéouée ; le seul mobile qui l’avait guidé avait toujours été l’ambition — il se dit que le moment de se débarrasser pour tout de bon de la jeune fille, tout en s’emparant de l’autorité suprême dans sa tribu, était arrivé.

Mais, pour réussir dans l’exécution du projet de vengeance qu’il venait d’élaborer, il lui fallait tenir compte des différents aspects de la situation, dont le plus sérieux était celui-ci :

Essayer de se faire nommer chef suprême de la tribu sans avoir d’abord écarté définitivement Ohquouéouée de son chemin, était une chose risquée. Et voici pourquoi : Oréouaré, bien mieux que nos lecteurs, savait à quoi s’en tenir sur la fidélité des guerriers de sa race dans leur allégeance, surtout quand cette allégeance était donnée à des chefs de son espèce. De plus, se basant sur ses expériences passées, il croyait savoir qu’il ne fallait pas trop se fier à la constance des femmes en amour. Dans ces conditions, il craignait que la jeune fille, soit qu’elle se lassa de son guerrier blanc, soit que, ayant à choisir entre l’amour et le pouvoir elle choisit le dernier et, prenant pour époux un des jeunes guerriers de la tribu elle voulut le faire reconnaître pour chef, lui opposant ainsi un adversaire redoutable ; car l’époux d’Ohquouéouée serait supporté par l’affection que tout le monde avait pour la jeune fille aussi bien que par les dernières recommandations du vieux chef.

D’un autre côté, il lui serait bien facile de se débarrasser d’Ohquouéouée en la faisant mourir, et cela sans lui toucher lui-même ; l’amitié qu’elle venait