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Page:Bouchard - Les Chasseurs de noix, 1922.djvu/286

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de témoigner à un des pires ennemis de sa nation était une raison plus que suffisante pour qu’il pût, avec un peu de persuasion et dans l’état d’esprit où se trouvaient les guerriers en ce moment, la faire condamner à mort. Mais à cela, il ne fallait pas songer ; l’affection que tous ces vieux guerriers avaient pour la fille de leur défunt chef ferait que, tout en la trouvant coupable et en l’exécutant, ils en voudraient toujours à celui qui aurait été son dénonciateur.

Après avoir repassé tous ces différents aspects de la question dans son esprit, l’astucieux sauvage en vint à la conclusion que ce qu’il lui fallait, c’était un moyen de décider la jeune fille à quitter les siens et à s’expatrier d’elle-même. Et, ce moyen, il croyait l’avoir trouvé. Une très ancienne coutume de ces sauvages voulait que, quand un prisonnier était condamné à mort, une femme de la tribu pouvait lui sauver la vie en l’adoptant pour remplacer un membre de sa famille mort ; et c’était dans cette coutume qu’Oréouaré croyait avoir trouvé ce qu’il cherchait.

Quand il vit que tous ceux qui voulaient parler l’avaient fait, le chef se leva donc et parla lui-même en ces termes :

— Ohquouéouée, notre jeune sœur bien-aimée, que, chacun de nous, nous sommes heureux de voir revenue parmi les siens, vient de nous faire part de la grande perte que notre tribu, ainsi que toute la nation onnontaguée, vient de subir en perdant le chef qui nous conduisait depuis un si grand nombre d’années. Vous avez exprimé, bien mieux que je ne pourrais le faire moi-même, les regrets que nous éprouvons tous en perdant un chef si brave, si éclairé et si res-