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Page:Bouchard - Les Chasseurs de noix, 1922.djvu/288

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s’était élevée. Son regard s’était enflammé. Son geste avait pris de la force et de l’ampleur, et il avait vraiment l’attitude d’un grand orateur. Ceux qui l’écoutaient avaient subi l’influence de cette éloquence passionnée et, suspendus à ses lèvres, ils se laissaient, sans la moindre résistance, convaincre par ses raisonnements.

Le chef continua :

Vous le voyez comme moi, elle préfère les Blancs aux sauvages et, parmi les Blancs, les guerriers d’Ononthio aux guerriers yanguises ! Elle mériterait, pour cette offense, que nous la jetions dans la rivière avec une pierre attachée au cou… Mais, je vous en prie, — ici, sa voix devint douce et suppliante — soyez indulgents pour elle. Elle a vécu tout un long hiver chez les Algonquins et les Français. Elle a, à leur contact, oublié les traditions de sa race. Elle a appris la langue de ses ravisseurs, adopté leurs coutumes, et peut-être quelque robe noire l’a-t-elle convertie à leur religion ?…

En disant ces derniers mots, l’orateur se tourna vers Ohquouéouée et sembla attendre une réponse qui ne vint pas. Alors, se retournant vers ses autres auditeurs, il reprit :

D’un autre côté, vous savez tous que depuis longtemps je désire devenir votre chef. Que rien ne me rendrait aussi heureux et aussi fier que de commander à une tribu qui compte des guerriers aussi braves et adroits à la guerre, aussi sages et écoutés dans les conseils, que le sont les guerriers de la tribu de la Tortue, de la grande nation onnontaguée !… Voici donc ce que je propose : qu’Ohquouéouée prenne notre prisonnier, comme notre vieille coutume lui donne droit