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Page:Bouchard - Les Chasseurs de noix, 1922.djvu/291

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Il était certain, elle l’avait bien vu, non-seulement par les paroles des guerriers mais surtout à leur attitude pendant son discours et pendant celui d’Oréouaré, que jamais on ne lui permettrait de rester dans la tribu avec Wabonimiki — en elle-même elle lui donnait toujours son nom algonquin — comme époux. Alors, adieu à son beau rêve de retourner à Sarastau avec les guerriers de sa tribu qui auraient accepté Roger, son époux, pour chef.

Elle voyait bien, aussi, que pour accomplir les dernières volontés de son père, c’est-à-dire pour devenir l’épouse du chef de la tribu, il lui faudrait se donner à Oréouaré ; et, à cela, elle sentait qu’elle ne pourrait jamais se résoudre.

Mais ce qui, à ses yeux, apparaissait comme la chose la plus certaine, qui, pour elle, ne faisait pas le moindre doute, c’était qu’il ne pouvait y avoir qu’un seul moyen de sauver la vie de celui pour qui elle eût joyeusement donné la sienne. Et ce moyen, c’était de faire comme Oréouaré l’avait proposé : Abandonner sa tribu pour toujours et, en compagnie de l’homme qu’elle aimait, s’en aller habiter au pays des Blancs.

Alors sa résolution fut prise. Sans gestes, sans paroles, sans non plus, qu’un seul de tous les guerriers qui la regardaient avec des yeux pleins de tristesse eût bougé ou dit un mot, elle se leva et, d’un pas lent mais assuré, elle se dirigea vers l’arbre où était attaché Roger.

Arrivée là, elle prit le tomahawk des mains d’une des deux sentinelles qui, reconnaissant la fille de leur vieux chef, ne firent aucune objection, trancha les liens qui retenaient le prisonnier à l’arbre contre lequel il s’appuyait, à moitié inconscient, puis s’en-