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Page:Bouchard - Les Chasseurs de noix, 1922.djvu/294

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accompli met toujours dans les yeux d’une femme, se mit à lui raconter comment, lorsqu’elle était arrivée dans son village, un mois après avoir quitté les deux compagnons à l’embouchure du Saint-François, elle avait trouvé son père mourant et tous les guerriers de la tribu absents à la guerre. Comment, après la mort de son père, ne pouvant rester seule dans son village, elle s’était mise à la recherche de celui qui lui avait rendu service dans son malheur. Comment elle l’avait trouvé prisonnier des guerriers de Sarastau, sa tribu, et les moyens qu’elle avait pris pour le délivrer.

Il lui fallut, pour rendre son récit intelligible au jeune homme, lui faire part des recommandations de son père mourant, lui donner la substance du discours qu’elle avait fait aux guerriers réunis la veille au soir en conseil, ainsi que de la réponse d’Oréouaré. Elle dut aussi lui montrer l’alternative où elle s’était trouvée : de garder la considération des siens en leur abandonnant le prisonnier, ou de sauver celui-ci en quittant sa nation pour toujours et en s’en allant vivre chez les Blancs.

Il y avait, dans ce récit, une foule de choses qu’une jeune fille imbue des préjugés et habituée à toutes les cachoteries, à toutes les hypocrisies, disons le mot, que leur inculque la fausse éducation que nous donnons à nos enfants, n’aurait pas dites. Mais Ohquouéouée, pure et candide comme tout ce qui sort des mains de la nature, n’hésita pas à raconter au jeune homme tout ce qui s’était passé, sans même chercher à déguiser les sentiments qu’elle éprouvait à son égard.