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Page:Bouchard - Les Chasseurs de noix, 1922.djvu/303

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mettre au travail, Ohquouéouée essaya d’aider Roger à transporter le bagage au pied du rapide ; mais elle dut y renoncer, et ce ne fut qu’à grand peine qu’elle s’y transporta elle-même.

Quand elle se fut traînée jusqu’au pied du portage, Roger y choisit un endroit où le terrain n’était pas trop humide, y alluma un grand feu, fit une bonne provision de bois afin que la jeune fille pût l’entretenir, puis il se mit à l’ouvrage afin de transporter le bagage à lui seul.

Ce portage n’était pas aussi long que le premier. En deux jours il fut franchi.

Quand les voyageurs se remirent en route, le troisième jour, la pluie avait cessé ; mais il faisait très froid. Quant à Ohquouéouée, elle était bien malade. Elle essaya bien, en partant, de prendre son aviron et d’aider Roger à ramer, mais, au bout d’une heure environ, il lui fallut abandonner la partie : elle grelottait au point que Roger entendait ses dents s’entrechoquer dans sa bouche, sa tête vacillait sur ses épaules et il lui semblait voir les objets environnants danser devant ses yeux qui, bien qu’ils fussent extrêmement brillants, ne voyaient presque plus.

Découragée, la jeune fille s’affaissa au fond du canot et, appuyant sa tête contre un sac de noix, elle resta immobile ; pendant que Roger, les traits tirés et le regard rempli d’inquiétude tendrement dirigé vers elle, continuait de ramer seul.

La journée se passa ainsi, dans un silence presqu’ininterrompu. De temps en temps, Roger s’informait affectueusement de l’état de la malade. Celle-ci ne lui répondait, le plus souvent, que par une légère plainte, et ils retombaient dans un lourd silence,