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Page:Bouchard - Les Chasseurs de noix, 1922.djvu/320

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Cette dernière pensée lui causa une douleur encore plus vive que les premières.

Ces ténèbres n’étaient rien cependant, comparées à celles qui la lui cachaient maintenant !… Elle était disparue à jamais !… Et lui, qui s’était juré de lui rendre la vie aussi heureuse qu’il serait en son pouvoir de le faire, en reconnaissance du service qu’elle lui avait rendu, il ne pourrait plus, désormais, que chérir sa mémoire !… Mais cela, il se le promettait sur la tombe de celle qu’il pleurait, il y consacrerait toute sa vie !…

Il neigeait toujours. Un blanc manteau recouvrait maintenant la terre et rendait le monticule qui marquait le lieu où reposait Ohquouéouée en tous points pareil aux autres du cimetière.

Le vent s’élevait. Tout à coup une brise plus forte que les autres souleva ce manteau de neige et en fit un nuage. Puis, pulvérisant la neige dont était formé ce blanc nuage et en faisant une froide poussière, elle en cingla le visage du jeune homme.

Celui-ci tressaillit et, arraché à sa triste rêverie, releva la tête et regarda autour de lui. Il se vit seul dans le petit cimetière, maintenant tout blanc ; jusqu’au manteau vert sombre des sapins qui disparaissait presque tout entier sous cette blanche parure. Et cette blancheur virginale, couvrant l’objet de son amour, lui enfonça une nouvelle douleur dans l’âme !…

Roger se releva avec effort et, comme la première fois qu’il s’était séparé d’Ohquouéouée sur le bord de la rivière Saint-François, il reprit, lentement et la tête basse, le chemin de la basse-ville de Québec.