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Page:Bouchard - Les Chasseurs de noix, 1922.djvu/33

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Une fois seule, je me laissai tomber sur le sol de ma cabane et je me mis à réfléchir. Tout le long du voyage je m’étais tourmentée en me demandant ce qui avait bien pu arriver à mon père pendant l’attaque des Algonquins contre mon village ; mais en ce moment c’était mon propre sort qui m’inquiétait le plus.

En me rappelant les paroles du chef, je compris qu’il me réservait pour être la femme de son fils malade. Je compris aussitôt qu’il ne me donnerait à celui-ci que quand il serait guéri de la maladie qui le minait. Je pouvais donc espérer être libre tant qu’il serait malade.

« Si, seulement, le fils du chef pouvait être malade tout l’hiver ! » me disais-je en moi-même.

Quant à m’enfuir et à retourner dans mon pays, je n’y pouvais songer : les arbres étaient maintenant complètement dépouillés de leurs feuilles, les oiseaux étaient partis et, presque tous les matins, l’eau des mares se couvrait de glace. La neige était à la veille de venir recouvrir la terre et je ne pouvais songer à entreprendre, si tard, un si long voyage.

Je me résignai donc à passer la saison des neiges au milieu des Algonquins, espérant qu’au retour de la belle saison je pourrais m’échapper et retourner à Sarastau.

« Si, me disais-je encore une fois, le fils du chef pouvait ne pas se rétablir avant la belle saison ! »

Quelques jours plus tard, la neige tomba en abondance et recouvrit complètement la terre. Les rivières et les lacs se couvrirent de glace et ce fut la saison des grands froids.

Comme l’on souffre du froid dans ce pays !