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Page:Bouchard - Les Chasseurs de noix, 1922.djvu/35

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mien. Puis, me tournant le dos, il se retira à grands pas.

Pendant la dernière partie de ce récit, le jeune homme avait, à plusieurs reprises, froncé les sourcils et porté la main à sa ceinture, où pendait un long couteau de chasse.

Ohquouéouée avait-elle vu ces mouvements ? Nous l’ignorons. Toutes les femmes, qu’elles soient blanches, rouges, jaunes ou noires, sont filles d’Ève. Toujours est-il que la voix de l’Indienne se raffermit considérablement, et qu’elle termina son récit d’une voix beaucoup plus assurée qu’elle ne l’avait commencé.

Le soleil, continua-t-elle, devenait de plus en plus chaud. La mousse des bois reverdissait et les feuilles cachaient déjà presque complètement les branches des arbres quand, un jour, au moment où le soleil est à la veille de disparaître derrière les montagnes, je vis l’homme que je craignais tant sortir de la cabane du chef et se diriger vers la mienne. J’étais, heureusement, à quelque distance, dans un endroit d’où je pouvais le voir sans qu’il me vît. Il entra dans ma cabane, puis en sortit presque aussitôt et retourna à celle du chef. Après être resté quelques instants dans cette dernière, il en ressortit, suivi de cinq ou six vieilles femmes qui se tordaient les bras et se lamentaient à haute voix.

À cette vue, je devinai que le fils du chef était mort. Alors, à la pensée que l’Homme-qui-parle-aux-Esprits, celui que je craignais et détestais par-dessus tout, allait devenir mon maître, la peur s’empara de moi. Au lieu de retourner à ma cabane, je m’enfuis