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Page:Bouchard - Les Chasseurs de noix, 1922.djvu/36

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loin dans la forêt, où je restai cachée le reste de la journée.

Quand le soleil eut disparu derrière les montagnes, que l’ombre de la nuit eut enveloppé les cabanes et la rivière, je me rapprochai sans bruit du village, et m’emparai d’un canot échoué sur la grève. Puis je m’élançai sur la rivière et ramai de toutes mes forces en descendant le courant.

Je maniai l’aviron toute la nuit et les jours suivants, ne me reposant que quelques heures chaque nuit, sans quitter mon canot, tant je craignais d’être poursuivie. Un matin que j’avais, comme d’habitude, dormi au fond du canot, je m’éveillai au bruit que faisait la quille en grinçant sur les pierres dont le lit de la rivière était garni. Surprise, car j’avais eu la précaution d’échouer mon canot sur la grève avant de m’endormir, je levai la tête et je vis avec terreur que le courant m’entraînait, avec une vitesse toujours croissante, vers une chute aux eaux bouillonnantes. J’eus juste le temps de sauter à terre, mais je ne pus retenir mon canot, qui alla se briser sur les rochers, un peu plus bas.

J’avais failli me jeter dans un des nombreux gouffres que nous avions rencontrés, alors que les Algonquins m’emmenaient dans leur pays.

Je continuai ma route à pied, en suivant toujours la rivière. J’arrivai, quelques jours plus tard, en vue d’un village de blancs, où il y avait de grandes cabanes faites avec des arbres entiers et, aussi, d’autres cabanes faites avec des pierres.

— Tu étais en vue du poste des Trois-Rivières, interrompit celui qui l’écoutait. Si tu t’y étais rendue,