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Page:Bouchard - Les Chasseurs de noix, 1922.djvu/38

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tion, le regard fixé sur le sable, à ses pieds, et ne répondit pas.

Ayant, mais en vain, attendu une réponse, le jeune homme reprit, après un silence :

Je m’en vais justement de l’autre côté du lac Saint-Pierre ; si tu le veux, je t’y transporterai dans mon canot ?

— Oui-dà !… fit une voix rude derrière les deux jeunes gens, qui sursautèrent. Si j’ai bien compris ton baragouin, compère Roger, tu viens d’offrir à cette sauvagesse de la prendre dans notre canot ?… Tu ferais bien, je crois, de consulter ton associé avant de prendre de tels engagements !

VI

UN COUREUR DE BOIS

Pendant la dernière partie du colloque entre Ohquouéouée et celui qui venait de se faire appeler Roger — et que nous désignerons ainsi désormais, car c’est son nom — les deux interlocuteurs étaient si occupés, l’une à raconter, l’autre à écouter, qu’ils n’avaient ni vu, ni entendu les aulnes de la berge s’écarter de nouveau et livrer passage à un homme d’une quarantaine d’années, court, trapu, et dont la partie inférieure du visage disparaissait toute sous une longue barbe et d’épaisses moustaches rousses. Une chevelure brune, touffue et inculte retombait sur les épaules du nouveau venu, après lui avoir caché le front ; de sorte que les seules parties visibles de son visage étaient le nez et les yeux. Ce nez,