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Page:Bouchard - Les Chasseurs de noix, 1922.djvu/39

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cependant, était assez bien conformé ; et les yeux, d’un brun un peu plus foncé que les cheveux, avaient une expression de douceur et d’honnêteté qui corrigeait, dans une certaine mesure, l’apparence sauvage du personnage.

Voici pour la tête. Quant au corps de l’individu : ses larges épaules, un peu voûtées, ses longs bras et ses jambes courtes et torses se terminant par des pieds énormes et qui tournaient en dedans, tout en lui donnant l’allure grotesque d’un gorille, indiquaient que cet homme devait être doué d’une force extraordinaire.

Il était vêtu, comme celui qu’il venait d’interpeller, d’une chemise de grosse toile retenue dans une culotte de peau, encore plus noire et plus luisante que celle de Roger, par une large ceinture de cuir à laquelle était suspendu un fort couteau de chasse. Lui aussi était chaussé de mocassins et protégeait ses jambes avec des mitasses de toile à voile.

Il s’appelait, de son véritable nom, Marcellin Grubeau. Mais, comme il était marchand de noix et que, à l’instar d’un certain petit rongeur du pays, il avait toujours une ample provision de faînes et de noisettes dans ses poches, on l’appelait, partout dans la colonie où il était universellement connu : « Le Suisse ; » mais avec cette particularité qu’en parlant de lui à un autre on disait : « Le Suisse, » pendant qu’en s’adressant à lui-même, on disait : « Suisse, » tout court.

Il était venu de France au Canada une vingtaine d’années auparavant, comme valet au service d’un des officiers d’un régiment — probablement le régiment de Carignan — qui avait passé quelques temps