Aller au contenu

Page:Bouchard - Les Chasseurs de noix, 1922.djvu/40

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 40 —

dans la colonie. Mais quand était venu, pour le régiment, l’ordre de retourner en France, Marcellin Grubeau — on ne lui avait pas encore à cette époque donné son sobriquet — se mourait d’une attaque de scorbut. Son maître dût partir sans lui ; mais non sans, toutefois, avoir fait des arrangements pour lui faciliter le retour dans son pays, au cas il guérirait.

Il guérit en effet, contre toute attente ; mais au lieu de profiter de la prévoyance de son maître pour retourner chez les siens, il préféra demeurer dans la colonie et adopter le métier qui lui valut le surnom sous lequel, imitant en cela tous ceux qui le connurent, nous le désignerons désormais.

Ce métier était celui, comme nous l’avons dit plus haut, de marchand de noix. Mais ce commerce de marchand de noix, Le Suisse l’exerçait d’une manière spéciale : il se contentait de servir d’intermédiaire entre ses homonymes les suisses, aussi bien que les écureuils, et les habitants de Québec, de Montréal et des Trois-Rivières.

Comment Le Suisse s’y prenait-il pour obtenir son fonds de commerce des suisses et des écureuils ? Nous le verrons bientôt, car nous allons le suivre dans une des expéditions qu’il entreprenait, vers la fin de chaque été, pour se procurer sa marchandise. Nous ne ferons donc, pour le moment, qu’indiquer sommairement sa manière de procéder.

Tous les étés, vers la fin de juillet ou le commencement d’août, Le Suisse remontait, jusqu’à quatre-vingt ou cent milles de son embouchure, une des nombreuses rivières qui sillonnent la province de Québec, au sud du fleuve. Son premier objectif était les noisettes : ces délicieuses petites noix qui mûrissent en