Aller au contenu

Page:Bouchard - Les Chasseurs de noix, 1922.djvu/47

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 47 —

— Tiens, vous voilà, Suisse !… Eh bien ! Avez-vous trouvé ce que vous cherchiez ?

Le Suisse n’était pas homme à laisser détourner la conversation de cette manière. Aussi reprit-il :

— Oui ! Je l’ai trouvé… Mais, dis-moi Roger, pourquoi tu as promis à cette fille de lui faire traverser le lac Saint-Pierre dans notre canot ? Tu dois pourtant savoir que je ne peux souffrir ces sales sauvagesses, et je t’avertis que je ne tiens pas à en avoir une dans mon canot pendant toute la traversée du lac !

Cette fois, Roger faillit éclater. Ses mains se crispèrent. Les traits de son visage devinrent rigides comme s’ils eussent été sculptés dans du marbre, dont ils prirent la pâleur. Faisant un pas vers Le Suisse et le regardant bien en face, il dit, d’une voix qui, bien que contenue, vibrait comme l’airain :

— Cette jeune Indienne que vous appelez une sale sauvagesse, mais qui est, pour le moins, aussi propre que vous, est une Iroquoise, enlevée de son village l’automne dernier par les Algonquins, lesquels l’ont emmenée dans leur pays, où il lui a fallu passer l’hiver. Ce printemps, après avoir réussi à s’échapper, elle a repris le chemin de son pays : mais, depuis deux mois, elle cherche le moyen de traverser le fleuve, sans pouvoir y arriver. Je l’ai rencontrée il y a quelques instants, elle m’a raconté son histoire qui m’a touché, et j’ai décidé de lui aider tant que je le pourrais.

Puis, après avoir débité cette tirade tout d’une haleine, Roger se radoucit un peu et termina par ces mots :