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Page:Bouchard - Les Chasseurs de noix, 1922.djvu/48

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Il y a pourtant assez longtemps que vous me connaissez, Suisse, pour savoir que je n’ai pas l’habitude de laisser maltraiter mes amis… Ohquouéouée est mon amie, et je vous prie de ne pas l’oublier !

VII

LA SOURCE SAINT-LÉON

Le Suisse était brave, et d’une force peu commune, nous croyons l’avoir déjà dit. Mais, d’un autre côté, il avait vu quelque temps auparavant et pendant une bagarre, à Lachine, celui qui lui parlait culbuter, d’un coup de poing à la mâchoire, un colosse huron ; lequel ne s’était relevé qu’une dizaine de minutes plus tard et la mâchoire fracassée. Cette fois-là Roger avait le même regard et le même visage qu’en ce moment. Il avait frappé le Huron parce que celui-ci avait eu des paroles injurieuses à l’adresse d’un aubergiste, à l’emploi duquel Roger était depuis trois ans et qui, pourtant, les méritait bien.

De plus, le jeune homme avait parlé assez longtemps pour donner à son compagnon le temps de réfléchir. Ayant réfléchi, Le Suisse décida qu’il valait mieux apaiser Roger que d’affronter sa colère. Et, en s’arrêtant à cette décision, il n’était pas mû par la peur mais par l’intérêt ; Roger ayant fourni la moitié des fonds requis pour équiper l’expédition dans laquelle ils s’engageaient de société. S’ils se querellaient, il leur faudrait se séparer, de sorte que son automne, à lui Le Suisse, serait perdu ; la saison étant maintenant trop avancée pour lui permettre