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Page:Bouchard - Les Chasseurs de noix, 1922.djvu/59

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sans le moindre succès. Cependant son cas n’était pas tout à fait désespéré, car les voisins étaient éloignés, les visites rares et il n’avait pas à craindre les conseils d’une douzaine, ou plus, de commères.

Le père de cet enfant était un homme qui ne parlait pas souvent. Étienne Chabroud attendait, d’ordinaire, d’avoir quelque chose à dire avant d’ouvrir la bouche. Il observait son fils depuis quelques temps déjà quand, un jour, il dit à sa femme :

— Si tu ne laisses pas Roger tranquille, si tu continues de le bourrer avec toutes sortes de purgations et de tisanes, tu vas le faire mourir. Laisse-le donc, pendant quelques temps, agir à sa guise. Qu’il ne mange et ne boive que ce qu’il désirera et qu’il coure les bois et les champs tant qu’il le voudra. Tu vas voir qu’il reviendra bien tout seul à la santé.

L’homme avait raison. Sa femme, restée orpheline en bas âge, avait été élevée par une institution de religieuses établie à Québec, qui lui avait donné un peu d’instruction. Quand Roger eut atteint sa sixième année, désireuse de faire bénéficier son enfant des avantages dont elle-même avait joui, elle se mit en devoir de lui enseigner à lire et à écrire.

Elle avait bien essayé la même chose avec ses aînés ; mais, soit qu’elle eût été trop prise avec d’autres devoirs pour leur donner une attention suffisante, soit qu’ils eussent été réfractaires à l’enseignement, elle n’avait que médiocrement réussi.

Mais, maintenant qu’elle avait des filles assez grandes pour la décharger d’une partie des soins du ménage, elle était décidée d’avoir au moins un fils qui saurait lire et écrire d’une manière convenable ; et, ayant remarqué que Roger apprenait avec facilité