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Page:Bouchard - Les Chasseurs de noix, 1922.djvu/60

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tout ce qu’on voulait lui enseigner, elle le prit pour élève et se mit à le garder avec elle, à la maison, toute la journée, en lui fourrant dans la tête tout ce qu’elle pouvait de syllabaire, d’orthographe et d’écriture.

L’enfant, comme nous l’avons vu tantôt, ne tarda pas à se ressentir de ce manque de prévoyance, et de cette éducation sous haute pression. Il se mit à dépérir à vue d’œil.

C’est alors que le père intervint.

Une fois laissé à lui-même, comme l’avait conseillé son père, Roger se mit à parcourir, tout le long du jour, les champs et les bois.

La maison d’Étienne Chabroud étant située à courte distance du fleuve, le petit Roger aimait surtout à aller jouer sur la grève. Quand la mer montait, il se couchait sur le sable et se laissait partiellement couvrir par la vague, alors qu’il se relevait et allait recommencer son manège un peu plus loin. À mer baissante, il suivait le flot et s’amusait à déterrer les différentes sortes de mollusques que la vague, en se retirant, laissait à sec.

Deux étés se passèrent de cette manière. Au premier automne, l’enfant avait déjà repris vigueur. Il n’engraissait cependant pas ; heureusement ! car, pour nous, un petit garçon de sept à quatorze ans qui engraisse est comme un jeune homme de vingt ans qui prend de l’embonpoint : les deux sont infirmes.

Étienne et sa femme n’en jugeaient cependant pas ainsi. Ne voyant pas leur fils engraisser, ils crurent, et en cela ils avaient raison, qu’il avait encore besoin de sa liberté. Son père lui fabriqua une paire de raquettes, ses frères lui façonnèrent une traîne