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Page:Bouchard - Les Chasseurs de noix, 1922.djvu/63

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Ces étrangers avaient souvent des livres parmi leurs bagages ; livres qu’ils oubliaient quelquefois en s’en allant. Mais, soit qu’ils les oubliassent ou qu’ils les laissassent seulement à sa portée pendant leur séjour chez son père, Roger ne manquait jamais de les lire avec avidité.

Un des volumes qui lui tombèrent ainsi sous la main était un roman d’amour. Ceci le laissa assez froid. En fait de femmes, il ne connaissait que sa mère et ses sœurs, et l’amour ne lui disait rien.

Une autre fois, ce fut un livre qui racontait une guerre européenne. Celui-ci l’intéressa un peu plus que le premier ; mais il y avait tant de différence entre ce qu’il avait entendu raconter des combats contre les sauvages de la Nouvelle-France et la manière de faire la guerre en Europe, qu’il ne comprit pas grand’chose au récit qu’il lisait.

Mais un jour, un visiteur, en s’en retournant, oublia un petit volume contenant plusieurs histoires de chevalerie. Il y était surtout question d’un pauvre jeune homme qui, à force de bravoure et de courage, gagnait ses éperons de chevalier et s’en allait, par monts et par vaux, visitant des pays étrangers, combattant toutes sortes de bandits malfaisants et de bêtes toutes plus féroces les unes que les autres, défendant les faibles contre les forts, recevant les remerciements de belles dames dans leurs châteaux, et couronnant sa carrière en épousant la fille d’un prince.

Ce volume, il le lut, le relut, et s’en pénétra comme la fleur se pénètre de la rosée, ou comme l’odorat se pénètre d’un parfum délicat. Ce fut son chemin de Damas. À partir de ce moment, le jeune