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Page:Bouchard - Les Chasseurs de noix, 1922.djvu/71

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Roger prit la pipe, en aspira deux ou trois fois la fumée, tout en faisant les plus grands efforts pour garder à son visage son aspect naturel, puis il la rendit au chef, qui continua de fumer en silence.

X

LE CARACTÈRE D’UN CHEF ALGONQUIN

Pendant la conversation qui vient d’avoir lieu, si l’on peut appeler conversation cet échange de propos fait à intervalles irréguliers et parsemé de longs silences, entre le chef et son hôte, si l’on excepte quelques monosyllabes échangés à voix basse, aucun des autres sauvages n’avait parlé. Aussitôt le repas fini, la plupart s’étaient étendus sur le sable de la grève et dormaient, ou paraissaient dormir. Quant aux autres, ils fumaient leurs longues pipes, assis ou étendus dans diverses positions, ou bien ils restaient assis et immobiles comme des statues.

C’étaient tous, comme de véritables athlètes qu’ils devaient être, des hommes dans la force de l’âge, bien découplés et d’apparence saine et agile.

Leur chef paraissait avoir une quarantaine d’années. Comme ses guerriers il était grand, musculeux et ne portait pas une once de chair superflue. Ses muscles très développés, ses nerfs saillants, qui donnaient à ses membres l’apparence d’énormes câbles tordus, indiquaient qu’il devait être doué d’une force herculéenne. De larges épaules supportant une tête au visage couleur de cuivre terni, au nez arqué et au front large et haut, surmontée d’une touffe de cheveux noirs et luisants dans laquelle était piquée