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Page:Bouchard - Les Chasseurs de noix, 1922.djvu/73

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ment désiré de posséder un fusil, il n’avait jamais pu satisfaire son ambition sur ce point.

Il arrivait assez fréquemment, il est vrai, que le gouverneur, ou d’autres parmi les hauts officiers de la colonie, fissent don de fusils à ceux des chefs sauvages qui se montraient leurs amis ; mais jamais personne n’en avait offert à Acaki, et son orgueil naturel l’avait toujours empêché d’en demander ou de laisser percer dans ses manières le désir qu’il avait de posséder une arme à feu.

C’était cette même fierté, jointe au mépris qu’il avait de toutes les races autres que la sienne, qui avait toujours empêché ce fier Algonquin de se faire des amis parmi les Français.

Quand Roger avait pris place à son côté, le chef avait jeté un regard de convoitise vers le fusil que le jeune homme venait de déposer entre eux. Mais, après ce premier mouvement, il s’était bien gardé de porter son regard dans cette direction. En lui-même, cependant, il avait décidé que ce fusil resterait en sa possession.

Il lui aurait été bien facile de dire au jeune Canadien : « Donne-moi ton fusil, » et de le prendre, que le jeune homme le permit ou non ; car ils étaient soixante contre un. Mais Acaki était un fin renard, et vif à prendre une décision, comme le sont, d’ailleurs, tous les hommes vraiment supérieurs.

Quand le chef algonquin avait vu Roger, armé de son fusil, déboucher de la forêt et s’avancer vers eux, il avait décidé non seulement que le fusil lui appartiendrait, mais que le jeune homme resterait prisonnier de sa tribu. Et ce, afin de s’en servir, soit comme am-