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Page:Bouchard - Les Chasseurs de noix, 1922.djvu/78

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À cette vue, l’instinct du chasseur fit briller une flamme dans l’œil du jeune homme qui, ne donnant au chef que juste le temps de désigner du geste laquelle il désirait voir tuer, sauta sur son fusil, épaula et, visant l’espace d’une seconde, il pressa la détente et le coup partit.

Aussitôt, l’outarde qui était à la tête des deux lignes, à leur point de jonction, culbuta deux ou trois fois sur elle-même et vint, comme une pierre, s’abattre dans le fleuve, à quelques centaines de verges de la rive. Deux sauvages, se précipitant dans un canot et faisant force d’avirons, allèrent la quérir et l’apportèrent triomphalement au chef.

Autant le flegme des sauvages était grand avant l’exploit du jeune Canadien, autant leur excitation était grande maintenant. Tous se pressaient autour de l’oiseau mort, et chacun voulait y toucher. Ils étaient tous en extase devant la justesse du tir de Roger ; la balle ayant traversé l’outarde à la base du cou.

Le chef lui-même, malgré son impassibilité habituelle, impassibilité dont tous les sauvages s’enorgueillissaient comme étant la marque d’un esprit supérieur, ne put s’empêcher de faire entendre, à plusieurs reprises, un grognement de satisfaction. Grognement que nous ne pouvons mieux rendre que par l’assemblage de lettres que voici : « Heuoumpff ! »

Tout le monde, le chef comme les autres, attachait sur le jeune Canadien des regards remplis d’admiration mêlée de respect et, aussi, d’un peu de crainte.

Quand l’excitation fut un peu calmée, le chef dit à Roger :