Aller au contenu

Page:Bouchard - Les Chasseurs de noix, 1922.djvu/8

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 8 —

dans les cités, les clochers et les autres monuments publics s’élèvent au-dessus du reste des édifices.

Tel un coursier, se reposant après une longue course, a souvent le poitrail tacheté d’écume, la rivière, bien que coulant mollement, était striée à sa surface de longues traînées d’une écume blanche et mousseuse ; derniers vestiges de la course furibonde qu’elle venait de fournir en s’échappant des gorges des Laurentides, des flancs desquelles elle est la fille, et du dernier bond d’une centaine de pieds par lequel elle venait de franchir les derniers remparts de cette chaîne de montagnes.

Il est environ sept heures. Le soleil, levé depuis deux heures à peine, dore la cime des arbres de ses rayons obliques, emplissant le sous-bois d’une lumière blonde et douce comme on en voit à l’intérieur de ces vieilles cathédrales aux vitraux coloriés. Et accentuant encore cette impression d’église en pénétrant sous les arbres, comme par autant de portes laissées ouvertes dans la forêt, aux endroits où une végétation moins dense ou un arbre renversé sur le sol lui laisse libre passage.

Les alouettes se promènent sur la grève en se dandinant au bord de l’eau, ou bien elles s’élèvent dans les airs en jetant leur cri joyeux à l’astre du jour. Sur la berge, dans chaque touffe d’herbe, le susurrement continu de myriades d’insectes fait penser au bruit qui nous parviendrait, assourdi et rendu confus par une grande distance, d’une multitude en émeute.

Dans une petite anse de la rivière, où l’eau tranquille a permis aux plantes aquatiques de pousser leurs tiges, un héron flegmatique dort en équilibre sur une seule de ses interminables pattes. Un peu plus