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Page:Bouchard - Les Chasseurs de noix, 1922.djvu/81

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Il devrait nous accompagner dans notre village et demeurer avec nous ?

Nous disons que Roger ne fut pas surpris de l’offre que lui faisait le chef. Au contraire ! Les paroles de l’Indien répondaient à un secret désir de son imagination exaltée par ses lectures et ses rêveries. C’est avec une impression de vœux comblés et d’orgueil satisfait qu’il se voyait, en imagination, sinon à la tête de la bande, du moins agissant comme le bras droit du chef algonquin ; parcourant l’immense étendue des forêts canadiennes et chassant l’ours et l’orignal, les deux plus redoutables gibiers de ces bois ; gibiers qu’il avait peut-être entrevus, mais sur lesquels il n’avait encore jamais pu essayer son adresse.

À cette pensée, le jeune Canadien sentait sa tête se gonfler. Il oubliait complètement sa famille et ce qu’il connaissait de la civilisation, pour ne penser qu’au plaisir de ce qu’il croyait être la vraie liberté : parcourir les forêts sans limites, escalader les montagnes qu’il n’avait qu’aperçues, jusqu’à présent, formant une ligne bleue à l’horizon, naviguer sur toutes sortes de rivières et de lacs inconnus, chassant toutes sortes de gibiers et pêchant toutes sortes de poissons.

Il se voyait aussi commandant ces braves guerriers, dont son regard parcourait, en ce moment, les rangs serrés en notant les traits qui en faisaient de véritables hommes de guerre, et allant combattre l’Iroquois féroce et perfide, sur le compte duquel il avait entendu raconter tant d’histoires terrifiantes.

Pendant qu’il faisait ces réflexions, Roger avait, presque tout le temps, tenu la tête baissée et le regard fixé sur le sable, à ses pieds. Ce fut dans cette attitude