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Page:Bouchard - Les Chasseurs de noix, 1922.djvu/84

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che de son fils ; mais nul ne savait dans quelle direction chercher : Roger était parti sans rien dire, comme cela lui arrivait souvent, et personne ne savait où il était allé.

Vers six heures et demie, le père rentra pour le repas du soir.

Étienne Chabroud était la personnification vivante du proverbe qui veut que : Ventre affamé n’ait point d’oreilles. Quand il rentrait pour les repas, surtout pour le souper, aussitôt la porte fermée derrière lui, il accrochait sa vareuse et son chapeau à un clou, allait se laver le visage et les mains sur un banc dans un coin de la cuisine — pièce qui, chez lui comme chez la plupart des premiers colons, servait de cuisine, de salle à manger, de salon, aussi bien que d’atelier pour toutes sortes de réparations — puis il allait se mettre à table et se mettait à manger sans avoir prononcé une parole, à moins que le repas ne fût pas prêt ou que quelqu’un l’interpellât ; deux choses qui n’arrivaient presque jamais, car dans l’un comme dans l’autre cas, quelqu’un était sûr de se faire rabrouer de la belle façon. Aussi évitait-on avec soin de lui parler tant qu’il n’avait pas apaisé sa plus grosse faim.

Il arriva donc qu’il n’apprît le retard de Roger que vers sept heures. Son fils aurait dû être rentré depuis au moins deux heures.

Étienne fit aussitôt allumer tout ce qu’il y avait de falots sur la ferme, et tout le monde partit à la recherche de Roger. Mais l’on dut bientôt reconnaître qu’il était impossible de se diriger dans le bois, par la nuit noire qu’il faisait, avec les moyens d’éclairage que l’on possédait à cette époque.