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Page:Bouchard - Les Chasseurs de noix, 1922.djvu/88

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sud jusqu’à ce qu’ils eussent débouché dans l’estuaire que forme le Saint-Laurent entre le cap Diamant et l’île d’Orléans, et qui constitue le port de Québec.

Quand ils débouchèrent sur cette nappe d’eau, la nuit était venue ; nuit sombre et sans étoile, qui ne permettait pas de voir à dix pas devant soi. Les sauvages, prenant alors le centre du fleuve, continuèrent de ramer de toutes leurs forces et toujours sans le moindre bruit. On eût dit une flottille de canots fantômes. Ils dépassèrent Québec sans que personne n’eût eu connaissance de leur présence.

Ils continuèrent de ramer ainsi toute la nuit, malgré qu’à partir de minuit la mer se fut mise à baisser et que le courant eut été contre eux. Quand le jour parut, ils avaient dépassé la pointe du cap Rouge, et ils ne pouvaient plus être aperçus de Québec, ni même de Sillery.

Ils entrèrent alors dans une petite baie où ils atterrirent. Et tout le monde étant exténué de fatigue, chacun s’installa le plus commodément qu’il put pour dormir. Car il n’était pas question de manger ; les provisions étaient épuisées et l’on était encore trop près des habitations des Blancs pour se risquer à faire la chasse, ou même à allumer du feu.

La bande resta cachée le reste de la nuit et toute la journée du lendemain. Puis, le soir venu, elle, se remit en route, profitant toujours de la marée montante pour suivre le courant.

Les sauvages étaient maintenant assez éloignés des endroits habités pour ramer avec moins de précautions et plus de force, ce qui rendait leur marche beaucoup plus rapide. Si bien que, quand la mer eut fini de monter et que le courant se mit à redescendre