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Page:Bouchard - Les Chasseurs de noix, 1922.djvu/95

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De plus, il avait affaire à un chef ; et il était habitué de voir les chefs sauvages traiter d’égal à égal avec les plus hauts officiers de la colonie. Les gouverneurs eux-mêmes ne croyaient pas déroger en discutant, dans les conseils et hors des conseils, les affaires les plus graves avec les chefs des tribus sauvages.

Et puis Acaki, à qui Roger avait affaire, était un homme d’une haute intelligence, retors et sans scrupules. Il n’est donc pas étonnant qu’il eut, dès les premiers instants de leur rencontre, acquis un grand ascendant sur le jeune Canadien.

Il ne faut pas être surpris, non plus, du fait que Roger avait abandonné ses parents sans le moindre avertissement, comme il l’avait fait, et en les laissant dans la plus cruelle incertitude. Ce fait se produisait assez souvent dans la colonie, surtout parmi les Canadiens. Nous appelons : Canadiens, les hommes nés au Canada, par distinction d’avec ceux venus de France qui continuaient toujours de se considérer comme Français.

Les jeunes Canadiens, nés à l’ombre des immenses forêts qui couvraient tout le pays, grandissaient en respirant les fortes senteurs qui s’en émanaient ; si bien que, parvenus à l’adolescence, ces effluves s’étaient si bien imprégnées dans leur sang qu’ils étaient dominés par la nostalgie des grands bois. Il n’était rien qu’un jeune Canadien de cette époque ne désirât autant que de se faire coureur de bois.

On appelait : « Coureurs-de-bois », ceux qui abandonnaient la civilisation pour, en compagnie des sauvages, parcourir les grands bois, les rivières et les lacs ; pêchant, chassant, guerroyant, faisant la traite