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Page:Bouchard - Les Chasseurs de noix, 1922.djvu/97

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quelle est la famille canadienne, disions-nous, qui ne compte parmi ses ancêtres quelques-uns de ces hardis coureurs de bois, à l’ossature de hercules, mais qui de leur vie n’eurent sur leurs os une once de chair superflue ; aux muscles de fer et aux nerfs d’acier ; forts comme des ours, souples et agiles comme des chats sauvages ; plus rusés et plus habiles dans la forêt que les sauvages, plus braves à la guerre que les Français eux-mêmes. Aussi capables de défricher et de faire fructifier leur lopin de terre, que de partir de Québec au mois de janvier pour aller porter une dépêche au lac Supérieur, et d’en être revenus au mois de février ?

Quelle est, nous le répétons, la famille canadienne qui n’ait le droit de s’enorgueillir de quelques-uns de ces héros parmi ses ascendants ?

Bien que ces coureurs de bois aient été d’une grande utilité à la colonie, l’attrait de la forêt était si grand pour les jeunes Canadiens que les autorités avaient dû prendre des mesures pour empêcher que toute la jeunesse, c’est-à-dire le meilleur élément de la population, ne prît le bois. Une de ces mesures avait été d’interdire aux habitants de la colonie de s’éloigner des habitations pour plus de vingt-quatre heures sans s’être, au préalable, procuré un permis signé par le gouverneur.

Les parents, de leur côté, préféraient garder leurs fils avec eux plutôt que de les voir s’enfoncer dans la forêt, d’où ils n’étaient jamais sûrs de les voir revenir.

Dans le cas de Roger Chabroud, il lui aurait donc été bien inutile de demander à son père la permission de partir avec les Algonquins, car son père la lui eut certainement refusée. Et la lui eût-il accordée, qu’il eût été impossible au jeune homme, sans appui et