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Page:Bouchard - Les Chasseurs de noix, 1922.djvu/99

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autant de fois qu’il manquait de guerriers, de ceux qui étaient partis quatre mois plus tôt.

Quand il eut fini, la bande reprit sa marche, à la file indienne, c’est-à-dire, un par un, et ils pénétrèrent dans le village en gardant le plus morne silence, silence que se gardèrent bien de troubler les habitants de la bourgade.

Puis chaque guerrier se retira dans sa cabane.

Alors les femmes, les enfants et tous les parents de ceux qui avaient péri au cours de l’expédition se répandirent dans les sentiers qui serpentaient parmi les cabanes du village, et ils donnèrent libre cours à leur douleur, en pleurant et en se lamentant à haute voix.

Pendant tout le reste de la journée, ce ne fut que pleurs, gémissements et cris de toutes sortes. Ici, une femme, après avoir gémi quelques temps, se mettait à chanter les vertus de son mari défunt. Là, un fils poussait une suite de hurlements horribles, puis il se mettait à débiter, de sa voix la plus forte, une harangue où il louait les qualités guerrières de son père, resté en pays ennemi. Ensuite, il reprenait les hurlements par lesquels il avait débuté et, quand il était à bout d’haleine, il se mettait à exécuter toutes sortes de grimaces et de contorsions, lesquelles étaient censées illustrer les tourments qu’il ferait subir à ceux qui avaient tué son père, si jamais il mettait la main sur eux. Plus loin, une jeune fille, de sa voix douce et mélodieuse, chantait la beauté et la tendresse du fiancé qu’elle ne verrait plus.

Cela dura jusqu’au crépuscule.

Mais quand les ombres de la nuit commencèrent à confondre les cabanes du village avec les arbres de