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France comme dans toute l’Europe[1], une des causes les plus actives de la pauvreté. L’ignorance et le préjugé n’y sont pas encore étrangers, car l’opinion du bas peuple à qui ce vice d’ivrognerie nuit le plus, bien loin de le flétrir semble l’encourager. C’est une espèce de bon ton parmi les artisans de dépenser beaucoup en spiritueux ; la plupart boivent sans plaisir et seulement pour se conformer à l’usage, pour faire comme les autres, c’est-à-dire pour faire ce qui n’est utile ni à eux ni aux autres. Où est le mérite d’une pareille chose ? Cependant il est des provinces où un ivrogne est presque fier de l’être. Le Bas-Breton ne niera jamais son intempérance : oui, je bois bien, dira-t-il, et il le dira avec orgueil. Dans les autres départemens, si le préjugé en faveur de l’ivresse ne va pas jusqu’à en tirer vanité, il n’est pas moins vrai que la plupart des artisans mettent le caprice avant le besoin et se croient plus misérables quand ils n’ont point de tabac et d’eau-de-vie que lorsqu’ils sont sans pain.

Chose étrange, c’est qu’ils deviennent d’autant plus ivrognes qu’ils ont moins de moyens de l’être ; et ce sont toujours ceux, qui n’ont rigoureusement que ce qu’il faut pour vivre, qui dépendent le plus pour s’enivrer. Un ouvrier qui gagne trois francs par jour,

  1. Voici les quantités et les droits perçus sur les spiritueux en Angleterre, de 1834 à 1835.
    Rhum 
      
    3,345,177 gallons 1,505,140 liv. st.
    Eau-de-vie 
      
    1,388,639 1,561,427
    Genièvre 
      
    21,632 24,393
    Liqueurs, etc. 
      
    9,901 9,799
    Spiritueux anglais 
      
    32,497,806 5,246,874


    Total 
      
    37,263,155 8,347,543
    (146,000,000 litr.) (208,918,825 fr.)

    Durant cette même époque, la consommation de la drèche s’est élevée pour les trois royaumes à 32,130,000 boisseaux.