Page:Boucher de Perthes - Voyage à Aix-Savoie, Turin, Milan, retour par la Suisse.djvu/162

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de pied au veau, et la guerre est prête encore à éclater en Israël.

Cependant elle se fût bornée à ces gestes et à quelques grognements étouffés, mais dans ces discordes de famille, c’est presque toujours l’innocence qui secoue la torche ; c’est aussi le veau qui ranime le feu : attiré par l’odeur du lait, il revient sans cesse à la charge. La chèvre, dont on a resserré les liens, ne pouvant plus jouer des cornes, s’efforce de le mordre et finit par le saisir par la queue, et elle serre si ferme qu’on a peine à la lui faire lâcher. La gourmandise du veau parut enfin céder à cette correction bien méritée.

Ce passage du Rhin est difficile ; des rochers nous entourent. Nous n’avons pas rencontré un seul vapeur ; le nôtre touche encore. Cette navigation n’est pas commode ; je ne sais si nous en sortirons. En décembre dernier, nous dit-on, le capitaine a été obligé, non sans péril, de se jeter à l’eau pour poser une amarre. C’est un homme de haute taille, à longue barbe noire, à l’air énergique. Son bâtiment, de deux à trois cents tonneaux, ne tire qu’un mètre soixante-six centimètres d’eau : c’est encore trop pour ces maudits passages du lac au Rhin et du Rhin au lac, qui se renouvellent ici maintes fois. Heureusement que le temps est calme. Une bonne canalisation et quelques écluses éviteraient cette perte de temps et cet ennui.

Ici, les bords du lac sont pittoresques, mais inhabités ; peut-être sont-ils fiévreux. On débarque enfin nos animaux à leur satisfaction comme à la nôtre.

Nous passons sous un pont après avoir abattu la cheminée de la machine. C’est le troisième que nous