Page:Boucher de Perthes - Voyage à Aix-Savoie, Turin, Milan, retour par la Suisse.djvu/175

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nence, et me demanda si cela ne me contrariait pas. Je lui répondis que je me conformais toujours aux usages du pays où j’étais, et que je ferais comme les autres. Là-dessus, il sortit, et je retournai à mon soleil. Son coucher devenait plus magnifique que jamais ; tout semblait d’or. Ce qui m’étonnait, c’était de ne pas voir, comme dans bien d’autres contrées, des oiseaux sur le lac, et de ne pas entendre chanter sur ses rives. Est-ce que les bateaux à vapeur les épouvantent et leur ont fait déserter le pays, ou bien est-ce qu’on préfère ici les manger que de les entendre et les voir ? Je me rappelle qu’en descendant le Saint-Gothard, on nous en donna une fricassée avec de la polente.

Cependant l’annonce du dîner ne vient pas. Est-ce que mes gens au maigre se sont décidés à jeûner tout-à-fait ? Il va être six heures, mon estomac me le dit de reste. Je prends mon agenda et mon crayon : écrire me fera prendre patience. Crier après un cuisinier ne sert qu’à lui faire brûler ses sauces sans qu’il en aille plus vite. J’écris donc ; c’est la première fois que, depuis dix jours, je puis tranquillement tracer des notes.

Enfin j’entends monter l’escalier : c’est le domestique qui vient me dire qu’on est à table. J’y trouve mes deux Français qui sont MM. Mercier de la Combe frères, âgés de vingt-trois à vingt-six ans, le gros curé que j’avais vu à bord et un autre ecclésiastique, probablement les promoteurs du maigre suisse.

La soupe était servie et j’en portais à ma bouche la première cuillerée, quand on me remet une lettre et une carte de visite. La lettre était ainsi conçue :