Page:Boucher de Perthes - Voyage à Aix-Savoie, Turin, Milan, retour par la Suisse.djvu/178

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le lac de Constance. « J’ai eu peine à m’en séparer, me dit-elle, mais il fallait opter : j’ai préféré élever mes garçons. J’ai commencé moi-même leur éducation, et j’ai bien répété des ba be bi bo bu. »

Je lui dis qu’en France comme en Italie, l’opinion publique — et c’est vrai — était pour elle, et que si on la soumettait au suffrage universel, elle aurait aussi ses millions de voix. On rapporte que lorsqu’il fut question de marcher sur Parme, nos soldats disaient qu’ils n’étaient pas venus en Italie pour faire la guerre à une Française.

On annonce le dîner. La princesse me fait placer près d’elle. De l’autre côté est le comte Boselli. En face, le jeune duc Robert, ayant à sa gauche une dame, et à sa droite son précepteur, puis l’autre enfant. À ma gauche est une dame d’honneur, et près d’elle le ministre, puis Mme  Boselli, le comte Scotti, le comte Simoneto, une autre dame et un abbé. Il n’y avait de Français et d’étranger que moi.

La duchesse me dit : « Vous allez faire un triste dîner ; il est maigre, et je n’ai pas de cuisinier : ce sont deux valets de pied qui font ma cuisine. »

On débute par une soupe à l’ognon à la paysane : c’est ainsi qu’elle la nomme. Le dîner consiste en saumon, en pommes de terre, un plat d’œufs, un plat de croquettes de riz, quelques fruits pour dessert, point de vin d’extra, du café, pas de liqueurs.

Ma conversation avec la duchesse dura tout le dîner, et sur bien des sujets. Elle connaît la princesse de Solms, au moins de réputation, et, quoique de la famille Bonaparte, elle la défend. Je lui parle du comte Gilbert Borromeo qu’elle connaît, du marquis Giorgio Palla-