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DEUX DE TROUVÉES

plus ni harnais, ni bride, probablement que le tout avait été brisé ![1] Une idée du ciel vint frapper mon esprit — je courus à Éléonore, je la pris dans mes bras ; je mis une main sur la tête de mon cheval, qui cherchait toujours à monter sur la glace, et m’élançai sur son dos. Le cheval enfonça par dessus la tête ; nous bûmes de l’eau.

« D’une main je tenais ma bien aimée, ferme sur le dos du cheval, devant moi ; et de l’autre je me cramponnais à la crinière du courageux animal, qui se mit à nager vers la glace opposée. En arrivant de l’autre côté, il essaya encore de monter sur la glace, mais le poids qu’il portait gênait ses mouvements ; j’aidai Éléonore à y sauter, et je sautai après elle. Je sentais que la glace était solide et ne remuait pas ; j’offris au ciel à genoux, une prière de reconnaissance.

« Après Dieu, c’était à mon cheval que je devais la vie. La pauvre bête, le front tourné contre le courant qui l’entraînait, luttait avec une incroyable vigueur contre la fureur des flots. Il fit un prodigieux effort ; il sortit presque tout son corps hors de l’eau ; ses deux pieds de devant sur la glace, il cherchait à se cramponner avec ses fers. — Je m’élançai pour l’aider en le saisissant à la crinière ! Oh ! malheur, le pied me glissa et j’allai me heurter contre son front. Le choc m’empêcha de tomber à

  1. On trouve des extraits extraordinaires de sagacité et d’attachement de la part du cheval. — En 1787, un cosaque, en traversant le Don, tomba dans une marre d’eau. Son cheval parvient à s’échapper, mais le malheureux cosaque allait misérablement périr, quand son cheval le saisit avec ses dents par son manteau, et le sortit de l’eau.
    Langelais, Vol. I, page 390.