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UNE DE PERDUE

— On te trouvera un cheval. Faut que tu viennes ; tu parles l’anglais ; on aura peut-être besoin de toi, qui sait ?

Après avoir réfléchi quelques instants, Siméon reprit : — J’irais bien, ça me va assez, mais je suis enrôlé, et je ne voudrais pas que le général sut que j’ai désobéi à ses ordres.

— Ne sois pas inquiet.

— Eh bien ! c’est bon j’essayerai l’anglais, reprit Siméon, s’il le faut. Je crois que je pourrai faire. Ainsi c’est convenu, j’y vas. Mais, dis donc, Meunier, il me vient une idée.

— Laquelle ?

— Si au lieu de deux porte-voix, nous prenions des cornes de bœuf ; nous en aurions chacun une. C’est alors que nous leur donnerions un charivari, en balle !

— C’est ça, c’est ça ; oui, oui ; des cornes, prenons des cornes, crièrent-ils presque tous ensemble.

— Mais où en prendrons-nous ? reprit Meunier.

— J’en ai vu un tas dans la cour du boucher, dit Siméon ; nous les nettoyerons et les arrangeront en dix minutes ; ça n’est pas malaisé. Qui veut venir avec moi ? nous en apporterons pour tout le monde.

Une demi-heure après, les cornes étaient apportées, lavées, les bouts coupés ; elles étaient nettoyées grattées et prêtes.

Six hommes en souliers de bœufs, portant chacun un capot gris d’étoffe du pays avec capuchon, défilaient silencieusement, un par un, derrière le village et gagnaient les champs. Ils n’avaient avec eux que deux fusils de chasse. Meunier portait un mousquet et une baïonnette, qu’il avait pris à un soldat blessé