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DEUX DE TROUVÉES.

— Sara ! cria-t-il en espagnol d’une voix presque suffoquée par l’émotion, enfin je vous retrouve !

À ce son de voix trop bien connu, une pâleur subite envahit les traits de la jeune novice, un frisson courut dans ses veines, puis s’élançant, les bras tendus, vers la grille, elle s’écria « Antonio ! »

La prieure, étonnée, la saisit par sa robe et lui dit :

— Mais que fais-tu donc là, mon enfant ?

Revenue de son trouble, et, son agitation un peu calmée, elle répondit :

— C’est mon frère.

— Tu n’as plus de frère maintenant !

— Mon frère en Jésus-Christ, ma mère !… ne puis-je lui parler ?

— Sans doute, mon enfant ; mais avec calme, parler de manière à ce que je vous comprenne.

— Il ne parle pas l’allemand, ma mère ; je vous traduirai ce qu’il dira.

Puis se tournant vers le visiteur, elle fit un violent effort et ayant réussi à surmonter son émotion, elle lui dit : — Ma mère ne comprend pas l’anglais, je dois lui traduire ce que vous me direz dans cette langue.

— Sara ! oh ! Sara, comme je vous retrouve après cinq ans d’absence ! Quelle froideur !

— Monsieur, Reprit-elle, je ne sais ce que vous voulez dire ; apprenez que je n’appartiens plus au monde. Pourquoi êtes-vous venu demander à me voir en ce lieu, où tout appartient au Seigneur ?

— Vous voulez renoncer au monde, je le sais ; mais je sais aussi que vous n’avez pas encore prononcé vos vœux, que ce n’est que demain à huit heures que le sacrifice sera consommé ; et c’était pour vous voir, pour vous parler avant que cette heure fatale ne fut